Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/364

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restée dans la tête, je pris Tarare pour mon nom. — Tarare ? dit Fleur d’Épine. — Justement, poursuivit-il ; et ce qu’il y a de singulier à ce nom, c’est qu’il semble qu’on ne puisse l’entendre, que l’envie de le répéter, comme vous venez de faire, ne prenne tout aussitôt.

« À l’entrée du royaume de Cachemire, par la route que j’avais prise, la savante Serène a établi sa demeure enchantée. Le désir de connaître une personne que des connaissances surnaturelles, acquises par une longue étude, rendaient la plus illustre des mortelles, m’engageait autant au voyage de Cachemire que tout ce qu’on m’avait dit de Luisante. Mais la difficulté d’y parvenir pensa me rebuter : de mille et mille gens qui avaient eu le même dessein que moi, un très petit nombre avait réussi. On savait à peu près le lieu de sa résidence ; mais c’était en vain qu’on le cherchait. Il était impossible de le trouver, si la fortune, ou plutôt un aveu favorable de la magicienne, ne vous y guidait. Je fus assez heureux pour être admis à sa présence ; et apparemment je n’en fus digne que par l’extrême passion que j’avais de rendre mes hommages à ce génie supérieur à tous les autres.

« Je ne veux point vous ennuyer par la description particulière d’un séjour dont les beautés se peuvent à peine imaginer. Tout ce que je vous dirai, c’est que cet endroit de Cachemire est, à l’égard du reste, ce que le délicieux royaume de Cachemire est à l’égard du reste de la terre. Le peu de temps qu’il me fut permis de rester auprès d’elle me valut assurément beaucoup plus que le don d’esprit que mon père croyait m’avoir laissé en partage : je crus m’apercevoir que mon admiration et mes respects m’avaient attiré sa protection ; elle me la fit espérer en la quittant, et je partis avec