Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/367

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derrière lui, et vit la terrible Dentue, montée sur une licorne couleur de feu, qui menait en laisse deux tigres dont le plus petit était bien plus haut que Sonnante.

Tarare tâcha de rassurer Fleur d’Épine en lui disant que la jument allait si vite, qu’ils auraient bientôt perdu de vue la sorcière et son équipage ; et là-dessus il voulut pousser à toute bride ; mais Sonnante demeura tout court. Ce fut en vain qu’il lui appuya les talons, et qu’il l’incita de toutes les manières : elle était immobile.

Fleur d’Épine s’évanouissait entre ses bras, voyant la sorcière à cinquante pas d’eux. Tarare avait beau lui protester que, tant qu’il aurait une goutte de sang dans les veines, elle ne tomberait ni entre ses mains, ni entre les griffes de ses tigres, tout cela n’avait garde de la remettre.

Dentue approchait toujours ; et Tarare, ne sachant plus à quel saint se vouer, s’avisa d’essayer les voies de la douceur ; et, caressant la jument : « Quoi ! ma bonne Sonnante, lui dit-il, voudrais-tu livrer ta belle maîtresse à cette vilaine sorcière, qui la poursuit ? N’as-tu donc commencé de si bonne grâce, que pour nous trahir à la fin ? » Mais il avait beau la piquer d’honneur par ces paroles, elle ne s’en ébranla pas ; et la sorcière n’était plus qu’à vingt pas de lui, quand Sonnante remua trois fois l’oreille gauche : il y mit vitement le doigt ; et, y ayant trouvé une petite pierre, il la jeta par-dessus son épaule gauche : dans un instant s’éleva de terre une muraille entre la sorcière et lui. Cette muraille n’avait que soixante pieds de haut ; mais elle était si longue, qu’on n’en voyait ni le commencement ni la fin.

Fleur d’Épine respira. Tarare remercia le ciel, et Sonnante partit comme un éclair.