Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/368

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Ils avaient déjà perdu de vue la nouvelle muraille, et Tarare, croyant Fleur d’Épine en sûreté, lui allait dire quelque chose de tendre, et peut-être de joli, lorsque Sonnante s’arrêta tout court au milieu de sa course. Tarare tourna la tête, et vit l’éternelle Dentue qui les poursuivait tout de nouveau. « Quoi ! s’écria-t-il, n’y a-t-il donc aucune muraille qui soit à l’épreuve de sa licorne, de ses tigres, de sa longue dent et de son épouvantable griffe ? » Pendant ces réflexions, toutes les frayeurs de Fleur d’Épine la reprirent. La jument, plus rétive encore que la première fois, semblait clouée à la terre. Tarare, ne perdant pas courage, se mit à haranguer Sonnante d’une manière plus touchante qu’il n’avait fait auparavant. « Hélas ! lui disait-il, vertueuse Sonnante, je vois bien que la sorcière a jeté sur vous quelque sort, et que, lorsqu’elle vous peut voir, vous ne sauriez plus remuer. Si cela n’était, ayant le cœur aussi bien fait que vous l’avez, je gage que vous aimeriez mieux mourir que de ne pas sauver votre jeune maîtresse, la belle Fleur d’Épine ; mais, comme je vois par votre tristesse que vous n’avez plus de secours à nous offrir, je vous demande une grâce, qui est de sauver la charmante Fleur d’Épine. Dès que j’aurai mis pied à terre, je m’en vais au-devant de la sorcière et des tigres ; peut-être que la fortune secondera mon courage. Fuyez de toute votre force avec ma chère Fleur d’Épine, tandis que Dentue tiendra les yeux sur moi. Adieu, bonne Sonnante ; sauvez Fleur d’Épine, ne l’abandonnez pas, je vous conjure ; et, si vous ne me revoyez plus, faites-la quelquefois souvenir de l’homme du monde qui l’aimait le plus tendrement. » Il allait mettre pied à terre en achevant ; mais Fleur d’Épine lui serra les mains pour le retenir.