Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/374

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Nos amants se trouvèrent au bas de la montagne dans le temps que le soleil était encore dans toute son ardeur.

Quoique l’allure de Sonnante fût si aisée, qu’on n’en pouvait être fatigué, les alarmes et les frayeurs que Fleur d’Épine avait eues, pendant une nuit où elle n’avait pas fermé l’œil, l’avaient fort abattue. Tarare, qui n’avait plus d’attention que pour elle, s’en aperçut, et mit pied à terre au bord d’un ruisseau que deux rangs d’orangers ombrageaient de chaque côté. Fleur d’Épine n’y fut pas plus tôt assise qu’elle s’endormit, quoi qu’elle eût pu faire pour s’en empêcher.

Tarare ôta la bride à Sonnante, pour lui laisser prendre quelque rafraîchissement ; mais comme il ne voulait pas qu’elle s’éloignât trop, et qu’il lui voulait pourtant laisser la liberté de paître où bon lui semblerait, il déboucha toutes ses sonnettes pour l’entendre en quelque endroit qu’elle pût aller. Dès qu’elle sentit que ses sonnettes n’étaient plus bouchées, au lieu de s’amuser à paître, elle faisait des mouvements si gracieux et si mesurés, que rien n’égalait l’harmonie qu’elle faisait entendre autour d’elle.

Tarare, après l’avoir écoutée quelque temps, se mit à considérer sa charmante Fleur d’Épine. C’était la taille la plus parfaite qu’on verra jamais ; son visage, dans le doux sommeil qui fermait ses paupières, brillait de tous les agréments que la fraîcheur, la jeunesse et les grâces y pouvaient répandre. Le passionné Tarare ne se lassait point de la considérer, et se laissait entraîner aux plus tendres imaginations du monde, examinant tant de beautés en détail ; mais il demeura dans un fidèle respect, quelque envie que cette contemplation pût inspirer d’en sortir.

Les amants de ces temps-là ne savaient ce que c’était que