Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/375

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de surprendre ou de voler des faveurs, quand on s’en fiait à leur bonne foi. Il se contenta donc de repaître ses yeux des merveilles qu’il voyait, et de promener son imagination sur celles qu’il ne voyait pas.

Sonnante cependant, qui s’éloignait insensiblement, faisait aller ses sonnettes harmonieuses d’une manière si ravissante, qu’il choisit quelques-uns des airs nouveaux qu’elles composaient, et y fit des couplets tendres et galants à la louange de Fleur d’Épine endormie. « Non, disait-il dans ses vers, s’il ne tenait qu’à moi de former une beauté selon ma fantaisie, je ne pourrais rien imaginer de plus aimable ni de plus engageant que ce que je vois ; et, pour toucher mon cœur, il n’y aurait qu’à copier Fleur d’Épine. »

Avec de telles imaginations, le seigneur Tarare n’avait garde de s’endormir. Il loua le ciel du profond repos dont jouissait sa divinité : mais il crut qu’après avoir bien dormi, elle pourrait avoir besoin de manger. De quelque côté qu’on tournât les yeux dans ce beau pays, on ne voyait que trop de quoi fournir le plus beau dessert du monde : chaque arbre et chaque buisson en offraient de reste ; mais il n’y avait pas moyen de commencer par le fruit, quand on avait bien faim. Il laissa ses tablettes et les vers qu’il y venait d’écrire auprès de Fleur d’Épine, et s’en alla trouver Sonnante, dont la musique continuait toujours, quoiqu’il ne la vît plus. Il ne savait pas trop bien ce qu’il y allait faire ; mais il se mit en tête qu’une créature qui leur avait été d’un si grand secours ne pouvait manquer de ressource pour tous leurs besoins. Il la trouva, comme on peint Orphée, environnée de toutes sortes de bêtes et d’oiseaux que la douceur de son harmonie avait rassemblés autour d’elle. Il en coûta la vie