Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/402

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que j’aurais un fils qui me déposséderait, après m’avoir fait crever les yeux ; d’autres assurèrent qu’il ne ferait qu’obscurcir ma gloire, soit par les armes, soit par la vivacité d’un esprit qui devait effacer les lumières du mien. Je ne fus en peine que de la première explication. Enfin, celui qui se vantait d’être le plus habile m’assura que ce fils menaçait la tranquillité de mes jours ou de mon État, à moins que je ne pusse élever ce bâtiment avant sa naissance : il m’en donna le dessin tel que vous le voyez, et il l’entreprit. Mais, quelque diligence qu’il pût faire, la calife mon épouse accoucha de Luisante avant qu’il pût être achevé. Toutes mes alarmes cessèrent, quand, au lieu de ce maudit dragon de fils que m’annonçaient leurs prédictions, je me vis la plus jolie fille qui vînt jamais au monde : la vérité est qu’elle n’y vint que trop belle, comme nous avons éprouvé depuis ; car, si vous et Tarare n’y eussiez mis la main, à l’heure que je vous parle, on ne verrait que des Quinze-Vingts dans ma cour. Mais vous qui savez tout, poursuivit-il, que voulait dire cette interprétation d’un fils au lieu d’une fille ? à quelle fin ce salon avec tous ces ornements ? et enfin que voulait dire mon songe ? car il faut bien qu’il ait quelque rapport à Luisante, puisqu’il était question d’yeux.

— Le voulez-vous savoir ? dit Serène. En voici l’éclaircissement : Votre songe était purement un songe, vos interprètes des imposteurs ou des ignorants, et celui qui vous a conseillé ce salon, un architecte qui voulait profiter de l’avis qu’il vous donnait. Mais allons rejoindre nos amants, ce sera là que vous apprendrez quelque chose de plus particulier sur ce que les yeux de Luisante ont eu de fatal pendant un temps. »