Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/404

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« Nous étions convenus, dit-il, comme il vient de vous dire, que celui qui n’aurait pas réussi dans le projet de s’établir reviendrait se mettre en possession de nos États, en cas que l’autre eût fait fortune ailleurs. Pour moi, j’y renonçai dès ce moment ; et, fier des avantages que je croyais avoir, je ne songeai qu’à promener ma figure par le monde, pour la faire admirer. Mais les cœurs qui se rendirent d’abord n’ayant pas de quoi m’engager, ni du côté des charmes, ni de celui de la fortune, je crus que je trouverais mieux mon compte en Circassie, pays de tout temps fameux pour les beautés.

« Une reine le gouvernait depuis la mort du roi son époux, qui lui avait laissé quatre filles, dont l’aînée devait régner quand elle en aurait atteint l’âge.

« Ce fut sur cela que je formai le projet de mon établissement : mais la fortune, qui me réservait un bien infiniment plus précieux, en disposa tout autrement ; car, avant que d’y arriver, j’appris le désastre de la famille royale par une révolution toute surprenante.

« Un certain petit prince, s’étant prévalu de quelques prétentions mal fondées pour émouvoir un peuple inquiet et changeant, après avoir corrompu la fidélité des grands du royaume, avait trouvé moyen de s’emparer de la souveraineté si soudainement, que la reine avait à peine eu le temps de se sauver avec ses filles.

« Je traversais ce royaume à la hâte, ne voulant point faire de séjour chez une nation si perfide, lorsqu’on m’arrêta par ordre du tyran, à qui tous les étrangers étaient suspects, comme il arrive d’ordinaire dans une usurpation mal affermie.

« Lorsque je fus en sa présence, je ne lui cachai ni mon