Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/41

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tracé par M. François-Victor Hugo, et attribuant à la fée une origine à la fois biblique et légendaire, sacrée et profane.

La féerie, qui a eu son conteur dans Perrault, a eu son poète dramatique dans Shakespeare, qui a mis en action ses gracieux mystères et l’a fait monter sur le théâtre. Pour nous aujourd’hui, comme le dit l’ingénieux et éloquent traducteur et commentateur de la Tempête et du Songe d’une nuit d’été, Shakespeare n’est plus guère envisagé sous ce rapport, qu’une sorte de « Perrault sublime ». Mais si nous nous plaçons au point de vue, non des idées du dix-neuvième siècle, mais au point de vue des idées du seizième, nous arrivons à nous rendre compte des efforts d’imagination et des besoins de sentiment qui avaient donné naissance a tout un monde intermédiaire, fantastique, suspendu entre la terre et le ciel, à toute une hiérarchie de gracieux ou terrifiants fantômes, à tout un système de superstition populaire et légendaire dont l’histoire et la philosophie ont été exposées par le digne fils de notre grand poète en caractères saisissants et attachants, qu’un travail sur la féerie ne saurait négliger.

« Les générations du seizième siècle croyaient, avec la Bible, qu’un Dieu unique a créé l’homme ; mais elles croyaient, avec la Bible aussi, qu’entre l’homme et le Dieu créateur il existe une quantité innombrable de créatures invisibles.

« Ces êtres immortels n’ayant jamais failli, et voués à une béatitude sans fin, sont rangés sur les degrés d’une échelle immense, que Jacob a entrevue et qui monte de la terre au ciel. Au bas de cette échelle, placés le plus près de l’homme, mais déjà inaccessibles à ses regards, voici les Auges : plus haut, voici les Archanges ; plus haut, voici les Principautés. Montons encore. Plus haut, voici les Puissances ; plus haut, voici les Vertus ; plus haut, voici les Dominations. Montons encore ; plus haut, voici les Trônes ; plus haut, voici les Chérubins ; plus haut, voici les Séraphins ; et enfin, voilà Dieu !

« Lorsque Dieu, perdu dans l’infini, daigne envoyer quelque message à l’homme, il le lui fait transmettre ordinairement par un des êtres inférieurs de cette hiérarchie. C’est un ange qui arrête le bras d’Abraham, prêt à immoler son fils ; c’est un ange qui console Agar dans le désert ; c’est un ange qui délivre saint Pierre enfermé dans les prisons d’Hérode… L’homme n’a jamais vu d’être céleste qui prenne rang au-dessus de l’archange. C’est bien un séraphin qui a chassé Adam du paradis, mais Adam n’a aperçu que le bout de son épée de flamme.

« Au-dessous de Jéhovah, le dieu du bien, qui trône dans la lumière au