Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/455

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une petite mousse qui était autour du tronc, et qu’elle mit dans les mains de la bonne femme.

« Quand vous serez au plus grand péril où vous pussiez être, lui dit-elle, jetez cette mousse sur les pieds du roi. »

La bonne femme retint bien ces paroles ; et à peine eut-elle fait encore quelques pas qu’elle fut prise par les gens que le méchant prince tenait toujours aux environs des terres de madame Tu-tu. On l’amena devant lui.

« Je te tiens donc, méchante créature, lui dit-il ; je te ferai mourir par les plus cruels supplices.

— Je ne suis venue ici que pour cela, lui répondit-elle, et tu peux exercer ta cruauté sur moi ; épargne mes enfants, qui sont jeunes et incapables d’avoir pu jamais t’offenser : voilà ma vie que je t’abandonne. »

Tous ceux qui entendirent ces paroles étaient pénétrés de pitié pour une telle grandeur d’âme ; le roi seul n’en fut point ému. La reine, qui était présente, versait un torrent de larmes. Le roi en fut si indigné contre elle, qu’il l’aurait tuée, si on ne se fût mis entre-deux. Elle se sauva en faisant des cris pitoyables.

Le roi barbare fit enfermer la bonne femme, ordonnant qu’on la nourrît bien, afin de lui rendre une prompte mort plus affreuse. Il commanda qu’on emplît un abîme de couleuvres, de vipères et de serpents, se faisant un plaisir d’y voir précipiter la bonne femme. Quel genre de supplice ! qu’il est épouvantable !

Les officiers de cet injuste prince lui obéirent à regret ; et quand ils se furent acquittés de cette funeste commission, le roi se rendit sur le lieu.

On voulut lier la bonne femme ; elle pria qu’on la laissât