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Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/482

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perles et de rubis, et elle avait sur la tête un chaperon de velours petit jaune, avec une aigrette d’améthystes et de topazes ; un gros bouquet de jasmin ornait le devant de son corps, et dix ou douze mouches, dispersées sur un vieux rouge, couvraient une peau ridée et couleur de rose sèche.

Si la Fée des champs fut étonnée de l’équipage ridicule de Gangan, celle-ci ne le fut pas moins de rencontrer sa rivale au moment qu’elle s’y attendait le moins.

Elle n’ignorait pas la protection que cette fée avait accordée aux enfants de Pétaud et de Gillette. Mais comme le lieu lui défendait de laisser éclater son ressentiment, elle le dissimula, et affectant un air de politesse mêlée de hauteur :

« Comment, Madame, lui dit-elle, vous êtes-vous résolue à quitter le calme de la campagne pour venir vous confondre dans le tumulte de la cour ? Il faut que vous ayez eu pour cela des raisons bien fortes.

— Celles qui m’y amènent, interrompit la Fée des champs, ne ressemblent point du tout aux vôtres ; l’intérêt ni l’ambition n’ont jamais été les motifs de ma protection, et je sais ne l’accorder qu’à ceux qui en sont dignes et reconnaissants.

— Je le crois, répondit Gangan ; les dindons et les oies sont bonnes personnes.

— Cela est vrai, reprit vivement la fée, et beaucoup plus que les Gangans, car ils ne sont point injustes ; qu’en dites-vous ? »

La dispute n’en serait pas demeurée là, si l’on n’eût averti la Fée des champs que la reine était seule, et qu’elle voulait lui parler. Ainsi les deux fées se saluèrent et se séparèrent en femmes qui se haïssent parfaitement.

La reine, qui s’aperçut de l’émotion que cette dispute ve-