Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/484

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ses sentiments ; car elle savait que cette méchante fée était plus capable de les corrompre que de les former.

Le trouble que cet incident jeta dans son âme fit place aux réflexions, et elle pensait aux moyens d’empêcher les suites de cette entreprise, lorsque la reine sortit du conseil et vint la rejoindre. À la tristesse qu’elle remarqua sur le visage de son amie, elle jugea de ce qui lui était arrivé pendant son absence ; et, lui adressant la parole :

« Vous avez voulu, lui dit-elle, satisfaire votre curiosité, et vous avez appris des choses que je voulais dérober à votre connaissance. Je n’ai pu refuser, il est vrai, à Gangan le pouvoir de grande féerie, puisque, suivant nos lois, il est dû à son ancienneté ; mais la connaissance que j’ai de son caractère m’a fait limiter ce pouvoir à un certain espace de temps. Assurez-vous, généreuse fée, qu’après cela votre ennemie sera sévèrement punie, si elle abuse de ce même pouvoir qu’elle tient de nos lois et de ma bonté. Cependant, pour vous donner dès aujourd’hui une preuve de mon amitié, et mettre à couvert des attentats de Gangan les autres enfants de Gillette auxquels vous vous intéressez, prenez cette fiole, frottez-les de la liqueur qu’elle renferme : c’est de l’eau d’invisibilité ; elle dérobe les objets aux yeux des fées seulement ; et son charme est tel, que Gangan, avec toute sa puissance, ne saurait le vaincre. Allez, ma chère amie, souvenez-vous que votre reine aime la générosité, qu’elle protège la vertu ; et comptez toujours sur sa protection et sur sa tendresse. » -

À ces mots, la fée prit respectueusement la main de la reine, la baisa, et partit.

Elle ne fut pas plus tôt dans son île, qu’elle mit en usage