Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/485

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l’eau d’invisibilité : elle en frotta les trois polichinelles et les trois dames gigognes, et préserva seulement l’extrémité de leur nez, qu’elle laissa visible, afin de les pouvoir reconnaître. Puis, ayant donné ses ordres et consulté les livres, elle partit pour se rendre chez le roi Pétaud, où elle avait su que sa présence était nécessaire.

En effet, lorsqu’elle y arriva, le petit royaume de ce prince était en combustion, et voici quel en était le sujet. Il y avait déjà longtemps que la maison où Sa Majesté avait logé jusqu’alors, et que son beau-père le sénéchal avait habitée avant lui, tombait de tous cotés, malgré les réparations qu’on y avait faites. Il avait résolu, dans un conseil particulier avec son maître maçon, qu’il avait fait son premier architecte, d’en rebâtir une nouvelle.

Cet officier de la couronne, n’ayant depuis longtemps rien fait de neuf pour Leurs Majestés, avait abattu tout le vieux bâtiment, dans le dessein d’en commencer un nouveau, qui, selon lui, devait être bien plus magnifique que l’autre ; mais les épargnes du roi, depuis l’enlèvement de ses enfants, et ses revenus annuels, ne suffisant pas pour l’exécution de ce nouvel édifice, il prit le parti, sur le conseil de son receveur et du procureur fiscal, d’imposer une taxe pour fournir à la dépense de son bâtiment. Ses sujets, qui n’avaient point encore payé d’impôts, murmurèrent fort haut et jurèrent de ne point obéir ; ils menacèrent même de s’en plaindre à la reine mère et de la rendre l’arbitre de leurs plaintes. À leur mécontentement se joignirent les remontrances de Caboche : il prétendait qu’il était ridicule de faire payer aux autres une chose qui ne pouvait leur être utile ni profitable ; que Sa Majesté n’était au fond qu’un homme