Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/489

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mais la reine, qui se doutait d’où tout cela venait, n’avait pas la même crainte, et n’osait en rien dire. Ils étaient tous deux dans cette situation, lorsque le sénéchal, qui cherchait depuis une heure la maison du roi, entra dans celle-ci, plus par le devoir de sa charge que par l’espérance d’y rencontrer Leurs Majestés. Il ne savait que penser d’une maison élevée en une nuit ; et quoiqu’il fût moins peureux que son gendre, il ne commença cependant à se rassurer que lorsqu’il se vit en compagnie. Le roi, de son côté, fut aussi fort aise de le voir arriver ; et tenant toujours le bras de la reine, ils parcoururent une seconde fois toute la maison du haut en bas, et tous les jardins.

Chacun raisonna beaucoup sur la singularité de cette aventure : les uns trouvaient que Leurs Majestés étaient bien hardies de demeurer dans une maison bâtie par les fées, au risque d’être lutinées ; les autres, au contraire, prétendaient qu’elles faisaient fort bien, et qu’il serait à souhaiter que toutes les vieilles maisons du royaume fussent rebâties de même. Comme on se fait aisément au bien-être et aux nouveautés, après en avoir beaucoup parlé, on n’en parla plus ; et le roi fut en peu de temps aussi accoutumé à sa nouvelle maison, que s’il l’eût habitée toute sa vie. Par ce moyen, il ne fut plus question d’impôt ; la tranquillité revint dans l’État, et l’union entre les grands officiers de la couronne. Il n’y eut que le pauvre architecte qui pensa se pendre, mais qui se contenta de donner au diable les génies et les fées, et de les appeler cent fois magiciens et sorcières.

Pendant que la Fée des champs produisait toutes ces merveilles, elle remarqua dans Gillette tant de respect pour les fées, et tant de reconnaissance pour elle, que, se sentant