Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/516

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« Vous êtes bien bonne, lui dit la Bête, et je vous suis bien obligé. Bonhomme, partez demain matin, et ne vous avisez jamais de revenir ici. — Adieu, la Bête, » répondit-elle ; et tout de suite le monstre se retira. « Ah ! ma fille, dit le marchand en embrassant la Belle, je suis à demi mort de frayeur. Croyez-moi, laissez-moi ici. — Non, mon père, lui dit la Belle avec fermeté : vous partirez demain matin, et vous m’abandonnerez au secours du ciel ; peut-être aura-t-il pitié de moi. »

Ils furent se coucher, et croyaient ne pas dormir de toute la nuit ; mais à peine furent-ils dans leur lit, que leurs yeux se fermèrent. Pendant son sommeil, la Belle vit une dame qui lui dit : « Je suis contente de votre bon cœur, la Belle ; la bonne action que vous faites, en donnant votre vie pour sauver celle de votre père, ne demeurera point sans récompense. » La Belle, en s’éveillant, raconta ce songe à son père ; et, quoiqu’il le consolât un peu, cela ne l’empêcha pas de jeter de grands cris quand il fallut se séparer de sa chère fille.

Lorsqu’il fut parti, la Belle s’assit dans la grande salle, et se mit à pleurer aussi ; mais comme elle avait beaucoup de courage, elle se recommanda à Dieu, et résolut de ne point se chagriner pour le peu de temps qu’elle avait à vivre ; car elle croyait fermement que la Bête la mangerait le soir. Elle résolut de se promener en attendant, et de visiter ce beau château. Elle ne pouvait s’empêcher d’en admirer la beauté ; mais elle fut bien surprise de trouver une porte sur laquelle il y avait écrit : Appartement de la Belle. Elle ouvrit cette porte avec précipitation, et elle fut éblouie de la magnificence qui y régnait ; mais ce qui frappa le plus sa vue fut