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une grande bibliothèque, un clavecin et plusieurs livres de musique. « On ne veut pas que je m’ennuie, » dit-elle tout bas. Elle pensa ensuite : « Si je n’avais qu’un jour à demeurer ici, on ne m’aurait pas fait une telle provision. » Cette pensée ranima son courage.

Elle ouvrit la bibliothèque, et vit un livre où il y avait écrit en lettres d’or : Souhaitez, commandez, vous êtes ici la reine et la maîtresse. « Hélas ! dit-elle en soupirant, je ne souhaite rien que de revoir mon pauvre père et de savoir ce qu’il fait à présent. » Elle avait dit cela en elle-même. Quelle fut sa surprise, en jetant les yeux, sur un grand miroir, d’y voir sa maison, où son père arrivait avec un visage extrêmement triste ! ses sœurs venaient au-devant de lui ; et, malgré les grimaces qu’elles faisaient pour paraître affligées, la joie qu’elles avaient de la perte de leur sœur paraissait sur leur visage. Un moment après, tout cela disparut, et la Belle ne put s’empêcher de penser que la Bête était bien complaisante, et qu’elle n’avait rien à craindre d’elle.

À midi, elle trouva la table mise, et pendant son dîner elle entendit un excellent concert, quoiqu’elle ne vît personne.

Le soir, comme elle allait se mettre à table, elle entendit le bruit que faisait la Bête, et ne put s’empêcher de frémir. « La Belle, lui dit ce monstre, voulez-vous bien que je vous voie souper ? — Vous êtes le maître, répondit la Belle en tremblant. — Non, reprit la Bête ; il n’y a ici de maîtresse que vous ; vous n’avez qu’à me dire de m’en aller, si je vous ennuie : je sortirai tout de suite. Dites-moi, n’est-ce pas que vous me trouvez bien laid ? — Cela est vrai, dit la Belle, car je ne sais pas mentir ; mais je crois que vous êtes fort bon.