Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/535

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jesté ; elle lui a dit : « Je ne suis qu’une pauvre femme, et je n’ai point de diamants. » La reine se mit fort en colère et répondit : « Si vous ne condamnez pas cette malheureuse, qui s’est moquée de moi et qui m’a fait dépenser inutilement beaucoup d’argent pour louer des chevaux et payer des médecins, vous aurez sujet de vous en repentir. » Les juges pensèrent en eux-mêmes : « La reine est une très méchante femme ; si nous lui désobéissons, elle trouvera le moyen de nous faire périr : il vaut mieux que la vieille périsse que nous. » Tous les juges condamnèrent donc la vieille à être brûlée vive, comme sorcière. Il n’y en eut qu’un seul qui dit qu’il aimait mieux être brûlé lui-même que de condamner une innocente. Quelques jours après, la reine trouva de faux témoins qui dirent que ce juge avait mal parlé d’elle. On lui ôta sa charge, et il allait être réduit à demander l’aumône avec sa femme et ses enfants ; mais l’Éveillé prit une grosse somme dans la bourse de son père, et, la donnant à ce juge, il lui conseilla de passer dans un autre pays.

Cependant l’Éveillé se trouvait partout, depuis qu’il pouvait se rendre invisible : il apprit beaucoup de secrets ; mais comme c’était un honnête garçon, jamais il ne rapportait rien qui pût faire tort à personne, excepté ce qui pouvait servir son maître. Comme il allait souvent dans le cabinet du roi, il entendit la reine dire à son mari : « Ne sommes-nous pas bien malheureux que Tity soit l’aîné ? Nous amassons beaucoup de trésors qu’il dissipera aussitôt qu’il sera roi ; et Mirtil, qui est bon ménager, au lieu de toucher à ces richesses, les aurait augmentées : n’y aurait-il pas moyen de le déshériter ? — Il faudra voir, lui répondit le roi, et si nous ne pouvons réussir, il faudra enterrer ces trésors, de