Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/58

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plusieurs reprises sur l’esprit dans lequel ont été composés ces petits ouvrages, sur leur caractère pédagogique, leur but exemplaire. « Ils renferment tous, dit-il dans sa Dédicace à Mademoiselle, une morale très sensée, et qui se découvre plus ou moins selon le degré de pénétration de ceux qui les lisent »

La Préface des Contes en vers est encore plus explicite à ce sujet :

« Il est vrai que quelques personnes, qui affectent de paraître graves, et qui ont assez d’esprit pour voir que ce sont des contes faits à plaisir, et que la matière n’en est pas fort importante, les ont regardés avec mépris ; mais on a eu la satisfaction de voir que les gens de bon goût n’en ont pas jugé de la sorte. Ils ont été bien aises de remarquer que ces bagatelles n’étaient pas de pures bagatelles, qu’elles renfermaient une morale utile, et que le récit enjoué dont elles étaient enveloppées n’avait été choisi que pour les faire entrer plus agréablement dans l’esprit et d’une manière qui instruisît et divertît tout ensemble. »

Cette leçon morale et cette efficacité exemplaire manquent absolument aux fictions antiques.

« Il n’en est pas de même, insiste Perrault, que ce point touche particulièrement, des contes que nos aïeux ont inventés pour leurs enfante. Ils ne les ont pas contés avec l’élégance et les agréments dont les Grecs et les Romains ont orné leurs fables ; mais ils ont toujours eu un grand soin que leurs contes renfermassent une morale louable et instructive.

« Partout la vertu y est récompensée, et partout le vice y est puni. Ils tendent tous à faire voir l’avantage qu’il y a d’être honnête, patient, avisé, laborieux, obéissant, et le mal qui arrive à ceux qui ne le sont pas.

« Tantôt ce sont des fées qui donnent pour don à une jeune fille qui leur aura répondu avec civilité qu’à chaque parole qu’elle dira, il lui sortira de la bouche un diamant ou une perle ; et à une autre fille qui leur aura répondu brutalement, qu’à chaque parole il lui sortira de la bouche une grenouille ou un crapaud. Tantôt ce sont des enfants qui, pour avoir bien obéi à leur père et à leur mère, deviennent grands seigneurs, ou d’autres qui, ayant été vicieux et désobéissants, sont tombés dans des malheurs épouvantables.

« Quelque frivoles et bizarres que soient toutes ces fables dans leurs aventures, il est certain qu’elles excitent dans les enfants le désir de ressembler à ceux qu’ils voient devenir heureux, et en même temps la crainte des malheurs où les méchants sont tombés par leur méchanceté. N’est-il pas louable à des pères et à des mères, lorsque leurs enfants ne sont pas encore capables de goûter les vérités solides et dénuées de tout agrément, de les