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Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/60

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grandes dames, en paniers, en poudre et en mouches ; et, si elles apparaissent parfois auprès de la fontaine qui leur est traditionnellement chère, ce n’est point dans l’état de nudité païenne ou les montre Ronsard, quand il les apostrophe en ces termes :

Et vous, dryades, et vous, fées,
Qui, de joncs simplement coiffées,
Nagea dans le cristal des eaux.


Non, certes, et c’est ici le cas de rappeler une observation critique de Paul de Saint-Victor, non formulée en mots, mais traduite, comme il se plaît à le faire, doué qu’il est de la baguette d’évocation, en quelques saisissantes et pittoresques images :

« Ses fées, courbées en deux sur leurs baguettes fatidiques, ressemblent aux mères-grands du temps, courbées sur leurs longues cannes à bec de corbin. Ses jeunes princesses, si polies et si sages, sortent d’hier de la maison de Saint-Cyr. Les fils de rois qui les rencontrent dans les bois, en revenant de la chasse, ont la haute mine et la courtoisie des dauphins de France. Le style Louis XIV, répandu sur ces féeries gothiques, leur donne un charme nouveau. »

Nous ajouterons qu’en traduisant ainsi, dans le costume et le langage de son temps, les contes des mères-grands et des mies qui avaient bercé son enfance et celle de ses enfants, Perrault a eu une idée ou un instinct de génie. Il a renouvelé, rajeuni, ravivé, brodé de variations piquantes ces thèmes qu’une longue circulation, qu’une tradition orale séculaire à travers des lèvres grossières, avaient émoussés, altérés, ternis. C’est là une originalité de traduction égale à l’originalité d’invention, et que nous goûtons avec plus de plaisir encore que les contemporains, aujourd’hui que le temps a mis sa patine sur toutes ces figures un peu neuves en 1697 et qui ont revêtu le charme mélancolique de l’archaïsme pour nos yeux de 1883. Et cet archaïsme est aujourd’hui double, de double couche : il tient au fond même des contes, car sa première date perce discrètement par quelques formules du texte primitif conservées, dont l’or terni mêle à la trame récente quelques fils d’une couleur passée ; il tient à la forme, neuve et vive du temps de Perrault, mais dont deux siècles ont pour nous amorti l’éclat, et