succès auprès des enfants le succès auprès des parents. Ces parents, au moment où il écrivait, appartenaient eux-mêmes à une génération qui n’était pas revenue, sans en garder une forte tendance au scepticisme et à l’ironie, des illusions romanesques ou héroïques de la Fronde. Aux premières Précieuses, solennelles et guindées, avaient succédé les secondes, dont Mme des Houliéres, qui a souvent le propos leste et le mot gaillard, est le type. Cette seconde préciosité comportait fort bien le commérage jovial, le cailletage malicieux dont les lettres de Mme de Sévigné sont le chef d’œuvre.
En petit comité, elle l’avoue elle-même sans repentir, elle n’hésitait pas à rire, avec cette étourdie pleine de verve, Mme de Coulanges, des chimères qui avaient fait pleurer sa jeunesse.
La fin du grand siècle sera comme une revanche du bon sens, de la raison, du bel esprit sur les surprises du cœur, qui ont animé et égaré sa jeunesse. Aux larmes romanesques de la grande Mademoiselle, que Lauzon fait pleurer, répondent malignement le rire amer et discret de la Rochefoucauld, le rire sec et clair d’Hamilton. Le moment où Perrault, sollicité entre le parti d’être naïf ou celui d’être sceptique, entre l’air de croire à ses fictions ou celui de s’en moquer, opte pour la première de ces alternatives, est précisément cette époque critique où on affecte de rire de tout, où, si l’on garde encore la religion de Dieu et du roi, on est en train de perdre la superstition des héros de roman et de contes de fées, où l’art et le succès des beaux diseurs de cour, des beaux esprits de salon, consistent précisément non à émouvoir, à charmer, mais à amuser, à chatouiller, à mitonner, c’est le mot du temps, les dames avec des amalgames comiques de fables et de personnages fantastiques, un salmigondis d’aventures dérisoires, un grossissement caricatural et grotesque des fiction romanesques et chevaleresques.
Suivant le courant ainsi indiqué, Mme d’Aulnoy, Mme la Force, Mme de Murat, qui viendront après Perrault, tomberont dans une double exagération, l’exagération de l’intrigue et du ton ; leurs imbroglios seront compliqués, enchevêtrés, leurs moyens d’une ingéniosité raffinée et puérile, leurs héros trop féconds en conversations d’une galanterie poussée jusqu’à la fadeur.
Quinze ans après Perrault, viendra Hamilton, qui ne verra dans la féerie française et la féerie arabe elle-même qu’un thème à variations