Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/82

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raide, peut-ou dire, comme on l’a dit d’un autre, du théâtre contemporain.

Disons à ce propos que l’édition Hetzel et beaucoup d’autres impriment la pantoufle de vair, c’est-à-dire de velours vert ou de fourrure. Perrault a écrit et voulu écrire : la pantoufle de verre, et voici les raisons, plus spécieuses que décisives peut-être, qu’en donne M. Ch. Giraud :

« On trouve, dit-il, dans le Pentamerone, Cendrillon (Gatta Cenerentola) moins la pantoufle de verre, embellissement de Perrault, qui a voulu peut-être faire allusion à ce tissu de verre qui fut tant à la mode à la fin du dix-septième siècle ; peut-être encore qu’en France on avait fait de la pantoufle de vair, d'où les bonnes femmes du siècle suivant out tiré leur pantoufle de verre que Perrault nous a passée. »

On peut voir dans cette pantoufle merveilleuse un souvenir de l’histoire, contée par le compilateur grec Elien, d’après laquelle, Rhodope étant au bain, un aigle fondit sur ses vêtements déposés au bord de la rive, enleva une de ses pantoufles et la laissa tomber sur la poitrine du roi Psammétique, qui siégeait sur son tribunal à Memphis, et qui épousa la propriétaire de la pantoufle, ou mule, ou babouche, dénonciatrice du plus joli pied de ses États.

Avec un peu plus d’efforts aussi, on pourrait retrouver dans Cendrillon une sœur cadette, très vulgarisée, de la poétique Psyché, qu’Apulée nous montre victime d’abord et ensuite victorieuse d’épreuves pareilles à celles de notre aimable disgraciée, et consolée plus encore que vengée.

Dans les récits slaves, Scandinaves ou finnois, Cendrillon n’est plus une femme, c’est un jeune homme ; et dans les contes russes d Afonasief nous arrivons, suivant te génie du pays, à une CendrilLon mâle, Ivan Popyaloff, qui n’est plus une créature humaine, mais une abstraction à figure humaine, une personnification mythique, symbolique de la nature endormie pendant l’hiver, qui secoue au printemps les cendres moroses de l’âtre ou du poêle, se réveille au chant des oiseaux, et combat ictorieusement les ténèbres et les frimas, représentés par des dragons acharnés à le dévorer[1] Le génie français, même embrumé des brumes armoricaines, ré-

  1. . Contes populaires de la Russie, recueillie par M, Rolston, traduits par Loys Bruyère, Hachette, 1874. Introduction p. 38 et 71 à 76.