Page:Leskov - Le Voyageur enchanté.djvu/120

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Ivan, me dirent-ils alors, il faut que tu sois notre ami, et, pour que tu ne nous quittes plus, voici le meilleur moyen : nous allons te fourrer quelques crins de cheval dans la plante des pieds ». Ainsi firent-ils et ils m’estropièrent à un tel point que je fus dès lors obligé de marcher à quatre pattes.

— Dites-nous, s’il vous plaît, comment ils pratiquent cette affreuse opération.

— Très simplement : dix individus me renversèrent sur le sol et me dirent : « Crie, Ivan, crie fort quand nous commencerons à couper : cela te soulagera ». Ensuite ils s’assirent sur moi et en moins d’une minute l’un d’eux, — un maître chirurgien ! — me dépouilla le dessous des pieds. Sur la chair vive il sema des crins de cheval coupés en petits morceaux, puis il rabattit la peau sur les plaies et la recousit avec une aiguille. Pendant les premiers jours qui suivirent l’opération, les Tatares eurent soin de me garrotter les mains : ils avaient peur que je n’envenimasse mes blessures pour en faire sortir les crins avec le