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à force d’aimer

sa petite fille. L’habitude de plaire, d’être loué, câliné, qu’avait ce garçon aux traits charmants, à l’intelligence précoce, et d’une sagesse exemplaire, lui communiquait cette confiance en soi-même.

D’ailleurs, sans doute, on parlait déjà de lui. Les fillettes plaidaient sa cause. Germaine cria :

« Le voilà !… Voilà René ! »

La dame se tourna vivement… Oh ! quel changement d’expression sur sa figure ! De rose qu’elle était, elle devint toute blanche ; sa bouche, qui souriait, se referma d’une crispation telle que les lèvres disparurent ; l’azur pâle de ses yeux prit un éclat méchant. Sous son regard, René, instinctivement, recula de deux pas. Une frayeur le saisit quand elle s’avança de son côté, avec cet air terrible. Mais, comme c’était un brave petit garçon, qui n’avait rien fait de mal, il ne voulut pas fuir.

— « Tu t’appelles René Marinval, n’est-ce pas ? » dit-elle en le saisissant par le bras et en le secouant, comme si de lui jeter ce nom au visage eût été le convaincre d’un crime.

— « Oui, madame, » dit l’enfant, d’autant plus interdit qu’il était sûr de n’avoir pas prononcé devant Huguette son nom de famille.

— « Ah !… » reprit la dame, « ah !… » Elle suffoquait. « Et tu oses t’approcher de ma fille !…