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à force d’aimer

— Je ne le ferai plus ! » s’écria le petit garçon épouvanté. « Laissez-moi m’en aller, madame ! Lâchez-moi !… »

Elle lui faisait grand mal en lui enfonçant dans le bras ses doigts nerveux, qui le pinçaient comme un étau d’acier. De ses lèvres blanches elle commençait des mots qu’elle n’achevait pas : « Petit mis… »

Elle ne voulait ou n’osait pas dire « misérable », et les dernières syllabes s’éteignaient dans une sorte de grincement.

Malgré la rapidité de cette scène, des passants déjà s’arrêtaient. Fräùlein, consternée, se demandait si un accès de folie n’avait pas frappé sa maîtresse. Tout à coup, Huguette et Germaine éclatèrent en sanglots bruyants.

« Emmenez-les… Rentrez… Je vous rejoins, » dit la dame à la gouvernante.

Et, sans lâcher René, elle fit quelques pas pour échapper à l’attention des badauds.

— « Laissez-moi, madame, laissez-moi !… » supplia le petit qui fondait en larmes.

— « C’est ta mère, n’est-ce pas, » dit-elle une intonation un peu détendue, « qui t’a envoyé faire cette vilaine action ?

— Je n’ai pas de mère, » murmura le pauvre enfant.

— « Tu n’as pas de mère ?… »

Elle se radoucit, desserra un peu son étreinte.