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à force d’aimer

avait jamais fait attendre ceux qui tentaient sa fantaisie. On lui donna Édouard comme on lui aurait accordé un coupé neuf ou un bijou à la mode, avec d’autant moins de difficulté que ce garçon plein de ressources et dépourvu de scrupules s’était déjà rendu indispensable dans la maison de banque.

Mais ce mari, qui l’amusa pendant quelques mois, eut bientôt, aux yeux de Clotilde, le tort de tous les jouets désirés, puis brisés par elle jusque-là : elle l’avait obtenu trop facilement. Et, dans la plate complaisance qu’il montrait à tous ses caprices, elle le sentait trop à sa discrétion. Comment ne pas se lasser jusqu’à l’écœurement de l’intimité avec ce brasseur d’affaires, qu’en son impertinence de jolie créature de luxe, elle trouvait d’une activité mercantile répugnante ! D’ailleurs, en sa finesse de femme et son scepticisme de Parisienne, elle jugea bien vite qu’Édouard caressait en elle moins sa personne que l’instrument pour lui d’une ambition féroce, et qu’il adressait les plus voluptueux baisers moins à sa chair grêle et rétive qu’au reflet de l’or dont cette chair s’embellissait et s’animait.

Pendant quelque temps, elle se donna la distraction de le tourmenter, de faire osciller sur la tête de son mari l’épée de Damoclès, qu’y suspendait la menace du divorce. Elle se déclara jalouse du passé d’Édouard. Et la rencontre, au parc