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Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/189

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à force d’aimer

formé ma pensée, dirigé mon esprit, fortifié mon caractère ? Ne m’avez-vous pas donné le bien le plus précieux : un idéal ? N’ai-je pas voué toutes mes facultés à la noble tâche que vous vous êtes proposée à vous-même : améliorer le sort des malheureux, c’est-à-dire des faibles, sans paralyser les énergies sociales que représentent les forts ? Combattre seulement les parasites et les inutiles, c’est-à-dire les intermédiaires, les spéculateurs et les fonctionnaires. Alléger la société de ses non-valeurs, et trouver un mode équitable pour répartir les richesses communes proportionnellement au travail individuel. Substituer à la morale des convenances et de l’intérêt la morale du cœur, de la pitié, de la bonté… Ne sont-ce pas là les grandes lignes de votre œuvre ? N’est-ce pas vers ce but sublime que je marche avec vous ? Et croyez-vous que je m’en laisserai détourner par… par… quelques rêveries ?… »

Le dernier mot s’échappa sourdement, comme si la franchise du jeune homme avait honte de se payer et de payer le maître avec la fausse monnaie de cette expression.

— « Ah ! » dit Horace, « tu as déjà besoin de te soutenir par tes protestations, et de recourir à des paroles pour te donner l’illusion de la volonté. Tu es bien malade, mon garçon !… C’est-à-dire : tu es bien amoureux !

— Soit !… C’est vrai !… » s’écria René avec un