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à force d’aimer

— « Non, mon cher trésor. »

Il sentit qu’elle n’était pas sincère, réfléchit un instant, puis, par une de ces intuitions bizarres de l’enfance, il reprit :

— « Le monsieur qui va venir, ce n’est pas le mari de la méchante dame ? »

Hélène eut un tressaillement.

— « Pourquoi demandes-tu cela ?… Si, » ajouta-t-elle, « c’est son mari.

— Oh ! tante, il ne va pas nous faire du mal ?… »

C’était un si profond cri de frayeur qu’Hélène se hâta de le rassurer :

— « Non, non… Mais je te dis que non, petit bêta… Je te jure… Je le connais, lui… Il t’aime bien…

— Il m’aime bien !… Il ne m’a jamais vu !… »

Tout à coup, Hélène changea de ton :

— « Du mal !… Ah ! il ne peut pas nous en faire plus qu’il ne nous en a déjà fait ! »

René s’étonnait de plus en plus. Des imaginations singulières passaient dans sa petite tête. Peut-être le monsieur l’avait-il volé jadis à son papa et à sa maman, dont on ne lui parlait jamais, et qui sûrement étaient roi et reine dans un autre pays. Peut-être sa tante s’était-elle dévouée pour le suivre, mais le monsieur pouvait la tuer si elle essayait de retourner chez eux… On lisait, comme cela, dans les livres, des histoires d’enfants