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à force d’aimer

Germaine dévisagea, de son air sérieux et hautain, celui qui voulait faire de l’esprit aux dépens d’une de ses admirations. Mais la rieuse Huguette partit aussitôt d’un de ses frais éclats de gaieté.

— « C’est un nom suédois, » fit-elle. « Voyons, il faut bien vous y habituer, puisque la littérature suédoise est à la mode. »

Elle se mit à répéter, avec des clignements d’yeux et des mouvements de tête espiègles :

— « Bjorklund !… Bjornson !… C’est vrai… On dirait d’un chat qui jure…

— Tais-toi donc !… » dit Germaine. « La voici. »

Une personne qui donnait l’idée d’un homme habillé en femme parut au détour de l’allée. Une taille haute, des épaules larges et anguleuses, des membres trop longs aux mouvements sans grâce, se dessinaient sous une robe très simple en mousseline claire semée de fleurettes. La coupe de cette robe, toute droite, sans lignes cintrées ni froufrous avantageux, aussi bien que la carrure de celle qui la portait, dénotait l’étrangère, la femme du Nord, au corps et à l’esprit masculinisés, ignorante en l’art de séduire. L’origine s’accentuait encore dans les plats et lourds cheveux couleur de paille et dans les yeux d’un gris d’eau boréale. Les traits du visage étaient forts avec une expression très douce. Ils s’éclairèrent d’un sourire tout à fait tendre à la vue de Huguette et de son amie.

— « Votre père vient d’arriver, » dit-elle à Ger-