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à force d’aimer

— « Nous avons déjà trop causé ensemble, » dit-elle. « Le jeune homme à qui j’ai promis cette valse m’attend, nous regarde et s’étonne. Que dirait mon père, monsieur, si je lui répétais les propos que vous me tenez ?

— Votre père… » s’écria le chef de cabinet avec un méchant rire… « Mais, quand je voudrai, c’est lui qui me suppliera de vous accepter pour femme. »

Huguette s’enfuit, le cœur crispé, les larmes pointant sous ses paupières. Toute la joie de ce jour s’était évanouie. La jeune fille se sentait comme saisie par une fatalité obscure. Oh ! si elle avait pu considérer Ludovic Chanceuil comme un simple ambitieux payant d’audace et d’insolence ! Elle eût été tout droit vers M. Vallery et l’eût prié de fermer leur porte à ce vilain personnage. Mais certaines inflexions dans la voix de cet homme, certains reflets dans ses prunelles, insinuaient en elle une peur insurmontable et secrète. Elle craignait de provoquer un éclat entre lui et son père. Quelque chose surgirait, qu’elle ne pouvait prévoir, et qui serait fatal à celui-ci.

Tout en valsant, Huguette se sentait suivie par le regard de Ludovic. Et, lorsqu’elle s’arrêta, vite oppressée, instinctivement elle chercha ce regard.

Le jeune homme se détacha de l’arbre contre lequel il s’appuyait. Huguette eut beau détourner