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à force d’aimer

sements dont on fut prodigue ne valaient pour lui que parce qu’elles en étaient témoins.

Le succès qu’obtint René Marinval fut plutôt un succès d’artiste qu’un succès de novateur et de philosophe. Il charmait trop les yeux, les oreilles et la sentimentalité, pour étreindre bien fortement les esprits. La thèse qu’il soutenait était une thèse de poète, — celle d’ailleurs dont son drame allait montrer l’application, — l’apologie de cette « force inconnue » qui devait transformer le monde. Cette force était la Bonté. Il démontrait que le bonheur social ne serait possible que lorsque tous les efforts des hommes tendraient à établir le règne de cette Bonté, qui, jusqu’à présent, fut plutôt considérée comme un signe de faiblesse et une source de défaite dans la bataille de la vie.

Dès le début, d’ailleurs, René établissait la différence entre son système et celui de Tolstoï, qui prêche le retour à la morale du Christ. L’Évangile et le tolstoïsme préconisent le renoncement, la mortification de la chair et de l’orgueil, c’est-à-dire qu’ils brisent les ressorts de l’effort humain. Le jeune socialiste prétendait concilier l’activité du progrès et les ambitions de l’esprit avec les conceptions les plus généreuses du cœur. Dans la lutte pour la vie, — loi inéluctable de la nature, — il voulait que les adversaires en présence ne fussent pas des hommes s’acharnant contre des