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Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/234

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à force d’aimer

hommes, mais l’humanité tout entière d’un côté, et, de l’autre, les forces insensibles et aveugles, desquelles on peut triompher sans provoquer le cri abominable de la souffrance. Il fallait supprimer toute joie qui cause une douleur, et marcher à la seule conquête des biens auxquels tous les êtres peuvent, directement ou indirectement, prendre leur part.

Toutefois cette part — il le reconnaissait — doit être inégale. L’inégalité des facultés, correspondant à l’inégalité du travail, a pour conséquence nécessaire l’inégalité des satisfactions. C’est là le grand ressort de l’activité, la bienfaisante et toute-puissante émulation, que le communisme ne supprimerait qu’en supprimant du même coup la civilisation elle-même.

C’est pour corriger ce que comporte d’amertume, de vanité, d’injustice, d’arbitraire, cette inégalité, que la Bonté doit intervenir. Elle seule rétablira tant soit peu l’équilibre. La dure fatalité n’a qu’elle pour contrepoids. Mais, pour qu’elle soit efficace, il faut l’ériger en devoir social, en vertu consacrée, obligatoire, lui décerner toutes les couronnes que l’on décerne à l’honneur, au patriotisme, au génie ; ne pas laisser plus longtemps cette « force inconnue » s’engourdir sous le dédain de l’égoïsme triomphant et de la brutalité victorieuse. C’est le suprême levier qui soulèvera le vieux monde vers un avenir nouveau. Si la so-