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à force d’aimer

savait, voilà ce qui lui causait la plus immédiate terreur. Tout plutôt que cela !… même la ruine, même la mort, même le mariage avec Chanceuil.

— « Non, papa, non, je t’en prie ! » dit-elle en joignant les mains, « ne me parle pas d’affaires. Cela me fait peur… Je n’y comprends rien. Dis-moi simplement une chose… une seule chose, mon cher papa. As-tu un intérêt capital à ce que j’épouse… ce monsieur ?

— Si tu l’avais accepté sans répugnance, cela tranchait bien des difficultés.

— Réponds-moi plus catégoriquement, cher père, » dit-elle avec douceur. « Veux-tu que je l’épouse, à tout prix ? Si tu le veux, je le ferai. »

Le père hésita.

— « Qu’as-tu, en somme, fillette, contre lui ?

— Ce que j’ai ?… » s’exclama-t-elle avec un haut-le-corps… « Tout… Je le méprise… Je le déteste ! Autrefois, il me déplaisait simplement… mais maintenant, il me fait horreur ! »

Il y eut un silence. Puis M. Vallery prononça :

— « Eh bien ! tu ne l’épouseras pas. Je ne veux pas que tu l’épouses. »

Il ne fut pas dit autre chose ce jour-là. Mais toute l’existence de ce père et de cette fille se trouva transformée. Entre eux une gêne s’établit. Quelque chose d’inexprimé les sépara. Dans le somptueux hôtel de l’avenue d’Antin, la tristesse sous sa plus sombre forme, la tristesse faite de