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à force d’aimer

blèrent Horace. Dans ce moment presque solennel, ne devait-il pas dire la vérité au jeune homme ? Maintiendrait-il le pieux mensonge par lequel il avait abusé le petit garçon d’autrefois ? Mais, d’autre part, pourquoi déchirer davantage ce cœur qui saignait si visiblement devant lui ?

L’impulsion de pitié surgit une seconde trop tard. Quand le socialiste voulut répondre, son élève avait surpris la presque imperceptible hésitation.

René se leva, saisit sa chaise et la rapprocha d’Horace. Puis il étreignit une main de son maître, comme pour l’assurer de sa fermeté par une mâle pression, et, les yeux dans ses yeux, la voix résolument affermie, il prononça :

— « Dites-moi comment ma mère est morte.

— Viens, » fit Horace, « quittons ce bureau de journal. Rentrons chez nous. Je te le dirai. »

Tous deux sortirent ensemble. Durant le court trajet, ils n’échangèrent pas une parole.

Et ce fut ce soir-là, dans la chambre de René, en face des verdures sombres et des éclairs de façade blanche étalés en décor par l’hôtel Vallery, qu’Horace Fortier, pour la première fois, débrida la blessure dont il n’avait jamais cessé de souffrir. Lui-même s’étonna de trouver encore la plaie si pantelante, et de ne pouvoir plus contenir l’épanchement fiévreux et irrité qui en sortit.

Il dit à ce fils l’amour qu’il avait eu pour sa