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Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/278

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à force d’aimer

time ?… l’otage et la rançon peut-être ?… Saisi d’une anxiété imprévue, le jeune homme la pressait maintenant de parler, d’avoir confiance en lui… Il lui disait son long et silencieux amour fraternel, son désir de la protéger, de se dévouer pour elle, même sans qu’elle le sût, jadis, alors qu’il n’avait pas l’espoir de lui parler jamais.

Elle l’écoutait, singulièrement émue d’entendre un homme lui dire ces choses, un homme qu’elle voyait pour la seconde fois, et de qui pourtant elle pouvait les entendre. Elle oubliait presque sa détresse dans l’extraordinaire de cette sensation.

À la fin elle lui dit :

— « Je ne puis pas vous expliquer ce que je ne comprends guère moi-même. Je sais seulement que notre père mettait beaucoup d’espoir dans vos bons sentiments pour nous. Il paraît que vous seul et moi pourrions écarter un danger qui menace notre honneur et notre fortune. Puisque vous refusez notre nom, comment pourriez-vous le défendre ? Il faudra donc que je me sacrifie, et le sacrifice est, je vous l’assure, épouvantable.

— Quel sacrifice ? » demanda René.

— « J’épouserai un misérable, que je méprise, que je déteste, qui agit, en ce moment, comme le dernier des hommes…

— Ah ! c’est donc cela ! » s’écria Marinval. « Dites-moi son nom. »