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à force d’aimer

Clotilde Vallery en rentrant hier du parc Monceau. Cette créature mince et frivole, toute de nerfs et de vanité, quelle âpre source d’irritation elle avait dû laisser jaillir de son âme étroite, intolérante, et comme son arrogance de fille richement dotée avait dû cingler le mari pris jadis parmi les commis de son père ! Comme elle avait dû ricaner en lui défigurant sous un mépris de convention ses premières amours de pauvre employé ! Avec quel excès d’exigence elle avait dû lui intimer l’ordre d’éloigner cette femme et cet enfant, qu’elle n’avait certes pas désignés sans injure ! Hélène crut sentir cette haine lui passer sur le cœur comme un souffle. Elle en frissonna, et elle en triompha. Car elle eut le pressentiment que l’épouse, en son aigre despotisme, déjà commençait à venger la maîtresse.

Elle ne savait pas jusqu’à quel point. Clotilde, en effet, avait prononcé le mot de divorce. Et c’était la menace de ce mot qui faisait accourir Édouard chez Mlle Marinval. Malgré les vantardises du directeur de la banque Lafond, Vallery et Cie, une séparation judiciaire entre les époux eût amené une liquidation désastreuse pour le financier de fraîche date. La restitution de la dot et le partage des acquêts, sans compter la perte probable de son poste à la tête de la banque, lui eussent fait rebrousser, presque jusqu’au point de départ, le chemin si triomphalement parcouru.