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Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/31

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à force d’aimer

Un pareil intérêt en cause le rendait hésitant dans sa tactique auprès d’Hélène. Réservant les propositions d’argent dont le premier mirage n’avait pas paru éblouir la jeune femme, Édouard invoquait le respect humain.

— « Songez donc ! » disait-il, « c’est braver toutes les convenances. Nous demeurons avenue de Messine, et vous ici, boulevard de Courcelles… Presque porte à porte !…

— Je me trouvais la première dans ce quartier, » dit-elle. « Vous n’aviez qu’à ne pas y venir.

— Mais notre hôtel appartenait au père de ma femme, M. Lafond, qui est mort il y a deux ans.

— Eh ! que voulez-vous que ça me fasse ? » s’écria Hélène. « Moi, je n’ai pas d’hôtel. Mon appartement vaut neuf cents francs de loyer. Mais je ne le quitterai pas. J’ai mon cours, ma clientèle. Encore moins m’éloignerai-je de Paris… Même, » ajouta-t-elle avec ironie, « pour vous rendre service. Dans cette grande ville, on est tolérant envers une situation comme la mienne. Parmi les parents de mes élèves, plusieurs peut-être se doutent que René n’est pas mon neveu, mais bien mon fils. Peu leur importe ce mystère du passé, si mon existence actuelle est correcte et si leurs enfants font des progrès avec moi. En province, on me montrera au doigt, on me tournera le dos, et nous mourrons de faim. »