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Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/313

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à force d’aimer

eût amené une hésitation, une suspension d’un dixième de seconde.

C’était effrayant à voir, ces deux hommes sanglants qui se battaient presque sans gestes, s’attendant, tâtant le fer, les yeux dans les yeux, avec une expression fixe et terrible. Le plastron de René, abondamment rougi, éveillait l’idée de quelque déchirure affreuse. Mais ce qui était pire, c’était le visage de Chanceuil, coquet, féminin presque, et tout blêmi de haine, balafré par un sillon de pourpre vive. Un sentiment de cauchemar serrait la nuque et contractait le cœur des assistants. Quand le directeur du combat, allongeant sa canne entre les épées, cria : « Halte ! » à la fin de la seconde reprise, un soupir involontaire de soulagement dilata les poitrines.

On crut que, cette fois, ce serait fini. Les deux combattants étaient touchés. Ils allaient se tendre la main.

Mais non. Avec une obstination égale, du même geste négatif de la tête, ils repoussèrent les instances de leurs témoins. Sans parler maintenant, lassés et nerveux, ils essuyaient la sueur de leurs fronts. Chanceuil, avec impatience, écarta le bras du médecin, qui lui tamponnait la joue avec de la ouate hydrophile trempée dans de l’eau phéniquée.

Dès le commencement de la troisième reprise, René sentit que les chances étaient désormais de