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à force d’aimer

son côté. Il était moins fatigué, moins énervé que Chanceuil. Celui-ci, plus habile tireur, avait moins de résistance. N’ayant pas vaincu Marinval durant les quatre premières minutes, il aurait maintenant une peine croissante à triompher de lui. Intérieurement il se démoralisait un peu ; au dehors, son jeu prenait une certaine mollesse. René, au contraire, s’exaltait, se grisait. Il mettait à ses mouvements d’autant plus d’assurance qu’il y songeait moins. Au début, il raisonnait trop chaque dégagement et chaque parade. Maintenant, c’était la foudroyante sûreté de l’inconscience. Il menait une furieuse offensive, attaquant sans relâche. À un moment, Chanceuil, exaspéré, voulut en finir. Ayant paré de bas en haut, il se fendit à fond. Son épée passa sous le bras droit de Marinval, enlevant une lanière de peau le long des côtes. Mais en même temps le frère de Huguette, gardant haut la pointe que son adversaire venait de relever, et sans se défendre autrement que par un effacement du corps, riposta par un coup droit…

Il y eut un cri… Celui d’un témoin qui venait d’apercevoir un éclair d’acier derrière la nuque de Chanceuil. L’épée de René, pénétrant dans le cou, l’avait perforé de part en part.

Alors il se produisit une chose horrible. Chanceuil, tombant en avant, resta quelques secondes soutenu par cette lame qui lui traversait la gorge.