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à force d’aimer

Un long tressaillement intérieur secoua la jeune femme. Elle venait d’être touchée au point le plus sensible. Son angoisse permanente en face de l’avenir, sa tristesse d’élever l’enfant vers la médiocrité certaine de quelque demi-métier appris de bonne heure, s’exaspérèrent devant la possibilité d’un apaisement. Oh ! ne plus avoir cette amertume au fond du cœur ! Suivre dans la sécurité, dans l’espoir, dans la griserie des beaux rêves, le développement de son petit adoré !… Il serait — elle n’en doutait pas — un des fronts lumineux qu’admirent les hommes, s’il pouvait se soustraire aux enlizantes influences de la gêne. Devait-elle lui fermer l’avenir en repoussant la proposition d’Édouard ? Non certes. Toutefois son orgueil de femme protestait encore en elle. Jamais elle ne toucherait l’argent de cet homme !

— « Voyons, soyez raisonnable, » insinua encore le banquier. « Voici un chèque de cinquante mille francs. Il est à votre fils… Mais consentez à quitter Paris… »

Comme il avançait le papier jusque vers la main d’Hélène, celle-ci eut un sursaut, un recul.

— « Qu’est-ce qui vous offense ? Puisque c’est pour l’enfant.

— Soit, » dit-elle brusquement. Et elle se leva, « Je vais l’appeler. Vous lui donnerez cela à lui-même. »

Son mouvement surprit Édouard. Avant qu’il