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à force d’aimer

— Ma mère ?… » répéta l’enfant.

Ce fut une grêle exclamation, d’un étonnement si douloureux, d’une si plaintive tendresse, que les deux parents, debout l’un en face de l’autre, frémirent. Souvent, plus tard, les tremblantes syllabes, inaccoutumées aux lèvres de leur fils, devaient s’éveiller au fond de leur être, avec la même intonation, et le même aigu retentissement à travers leurs fibres.

Cependant le petit garçon les regardait l’un et l’autre. Et, devant leur silence, sentant confusément le poids de la fatalité sur ses frêles épaules, saisi du désir éperdu de ce refuge maternel qu’il connaissait bien sans pouvoir lui donner son vrai nom, il se serra contre Hélène, se haussa vers sa poitrine, leva les bras pour les lui mettre au cou, et murmura passionnément :

— « Ma mère ?… Oh ! dis-moi que c’est toi !… Dis-moi que c’est toi !… »

Elle eut un cri d’orgueil, de tendresse enivrée :

— « Oui, c’est moi !… Oui, c’est moi… mon fils !… mon René !… mon fils adoré !… »

L’enfant sentit ses pleurs qui lui mouillaient la joue. Alors lui-même eut un gros sanglot convulsif. Et, tout joyeux malgré ses larmes, avide de prononcer la douce appellation qu’il rêvait, et n’osant pas tout de suite, il dit à plusieurs reprises :

— « Oh ! petite tante… petite tante… »