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à force d’aimer

dus sans les lire à la doctoresse. « Voyons, » avait dit Mme Giraudet, « ne pouvez-vous, ma chère amie, vous élever au-dessus d’étroites considérations personnelles, et reconnaître que cet homme dénué de scrupules — et précisément peut-être par son manque de scrupules — rend des services à notre pays ? »

Mais Hélène s’était tendue comme une lame d’acier à la fois vibrante et rigide :

— « Malheur au pays qui se sert de tels hommes ! Vous verrez qu’il sera fatal à cette majorité qui le prône et le décore. Mais je ne veux rien savoir de lui… Pourquoi m’en parlez-vous ?… Parce qu’il s’agit d’un intérêt général ? Eh ! que m’importe ! Je ne veux rien savoir d’un état social qui le met au premier rang, lui, alors que je n’y ai plus même une place. »

Et comme la doctoresse protestait :

— « Ah ! vous le savez bien, » avait repris avec amertume la mère de René. « Je m’appelle madame Marinval parce que mademoiselle Marinval est forcée de disparaître, et ne peut être ni une travailleuse honnête, ni une mère, ni une épouse… rien !… sinon une créature déclassée et sans honneur, dans cet ordre social qui met la croix d’honneur sur sa poitrine, à lui ! »

Depuis cette conversation, qui datait de quelques semaines, Hélène avait retrouvé par l’oubli sa tranquillité d’âme. Mais cet oubli, qu’elle cher-