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à force d’aimer

chait, comment le créerait-elle parfaitement dans son cœur maintenant qu’elle savait ceci : c’est que son enfant, lui, n’oubliait pas ? Quel coup de foudre éclatait pour elle ce soir, dans la paix de sa petite maison muette, au souffle léger de René, qui dormait ! Ainsi, depuis quatre ans, son fils vivait secrètement avec la pensée de ce père qui l’abandonnait, et il se cachait d’elle, sa mère, qui lui donnait toute sa vie ! Quatre ans… Oui, il remontait déjà si loin, le tragique soir où, dans le rez-de-chaussée du boulevard de Courcelles, Hélène l’avait mis en présence du visiteur inconnu, et lui avait dit : « Regarde cet homme… Il s’appelle Édouard Vallery… C’est ton père. » Oh ! elle aurait juré que cet enfant de huit ans n’avait pas saisi le nom, ne l’avait pas retenu, et que l’impression même de cette scène extraordinaire s’était effacée de son esprit. Et voilà que tout restait vivant, chez ce petit être !… Mais de quelle vie redoutable et déformée ?… Avec quelle signification précise ?… C’est là ce que la mère ne pouvait ni deviner, ni demander, ni savoir… jamais.

À partir de ce moment, un doute, une anxiété se glissa dans la tendresse maternelle d’Hélène, comme un ver au cœur d’un fruit. Elle n’avait plus toutes les pensées de son enfant. Dans cette tête si précieuse, derrière ce petit front