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Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/52

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à force d’aimer

fermé, il y avait quelque chose qui se développait à son insu, quelque chose fait de sa propre honte et de ses propres douleurs, et qui peut-être, plus tard, se tournerait contre elle pour lui infliger des tourments nouveaux. Elle commença de se dire que c’était un homme, cet être dont elle avait fait la seule lumière de sa vie, et que, sans doute, lui, si gracieux, si tendre aujourd’hui, il aurait plus tard l’égoïsme, la sensualité, la dure ambition des autres hommes, toutes les passions qui les font marcher sur le cœur des femmes et sur le cœur des mères.

Cette espèce de détresse qui envahit Hélène, coïncidait pour elle avec une crise psychologique. Elle venait de passer la trentaine, et elle se sentait saisie par cette fièvre de vivre qui s’empare des femmes alors qu’elles aperçoivent la fuite rapide des années, qu’elles surprennent dans leur beauté une première et imperceptible défaillance. Même quand elles ont cru abandonner toute préoccupation de plaire, elles frissonnent à la pensée de ne plus surprendre dans les yeux des autres le perpétuel reflet de leur grâce, — car elles veulent bien abandonner l’amour, mais elles ne veulent pas que l’amour les abandonne.

Pendant longtemps, chez Hélène, le feu mal éteint d’une passion, jadis violente, avait lutté contre la volonté qui l’étouffait ; et cette lutte,