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à force d’aimer

férentes. Ce qu’elle goûtait chez Hélène, c’était le caractère, et chez Horace Fortier, l’intelligence. Elle prédisait qu’il jouerait un rôle de philosophe novateur, qu’il révolutionnerait le monde lorsqu’il publierait les ouvrages dont elle connaissait quelques chapitres manuscrits. Hélène entendait aussi parfois la lecture de semblables pages, car M. Fortier les apportait le soir chez Mme Giraudet quand elle-même devait s’y trouver. Elle ne les comprenait qu’à demi. Cependant elle convenait qu’Horace Fortier était un homme supérieur, d’une puissance de travail tout à fait extraordinaire, de tournure très distinguée ; et elle remarquait même — mieux que la doctoresse dont les dispositions un peu pédantes affectaient le dédain des apparences — que le professeur était très beau garçon. Il avait, en effet, une de ces têtes mâles, aux traits énergiques, aux yeux perçants et dominateurs, qui exercent une fascination sur les femmes, et font dire aux hommes : « Voilà quelqu’un. » Il portait une barbe brune en pointe, et les cheveux drus et droits sur un front blanc d’un modelé superbe. À Clermont, il passait pour un original. Ce mot était d’ailleurs un euphémisme indulgent. Car, derrière sa façon de parler ironique et ses manières cassantes, on ne voulait pas reconnaître sa hauteur d’orgueil et le mépris où il tenait, à quelques exceptions près, ce petit monde provincial. Craint