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à force d’aimer

dans l’Université, il avait été relégué à Clermont. Et il y faisait ses cours avec un talent et une conscience qui gênaient fort ceux que faisait frémir son indépendance d’esprit. Car on ne pouvait décemment retenir dans une chaire de cinquième ordre un homme de cette valeur. Jamais Hélène n’aurait osé le prier de professer devant les petits garçons et les fillettes qu’elle instruisait modestement, si lui-même, par l’intermédiaire de Mme Giraudet, ne s’y était offert.

— « Ne m’en sachez aucun gré, » avait-il dit à « madame » Marinval. « C’est un genre d’exercice intellectuel qui m’est nécessaire. Comme je compte agir plus tard sur les masses, je veux apprendre à me mettre à la portée des simples. »

Quand elle avait parlé d’émoluments, il lui avait fermé la bouche par une autre phrase du même genre, une de ces phrases de délicatesse et de tranquille orgueil qui lui étaient coutumières. Après l’heure du cours, M. Fortier restait pour donner des répétitions à René.

— « Cet enfant est trop intelligent, madame, » disait-il à la mère, « pour que ce ne soit pas un plaisir de le développer. C’est moi qui suis votre obligé quand vous me faites l’honneur de me confier sa direction intellectuelle. Je rêvais de façonner un cerveau d’homme suivant mes théories. Il sera mon lieutenant dans ma conquête des âmes.