Aller au contenu

Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
71
à force d’aimer

sans cesser de la désirer. Extérieurement, sa physionomie ne changea pas, mais la chaleur et la caresse de sa voix se transformèrent en une courtoisie froide. L’irréprochable politesse de sa réponse glaça la pauvre Hélène.

— « Ma chère amie, la femme que j’aime n’est pas, comme vous le dites, une créature imaginaire. C’est vous, telle que je vous ai connue, telle que je vous vois. Quant à votre passé, je n’y constaterai jamais de fautes, je n’y verrai que des malheurs. »

Il lui offrit le bras de nouveau, comme pour clore un incident sans importance.

C’étaient les paroles de réhabilitation qu’elle attendait de la justice du sort et de la générosité de l’amour… Pourtant Hélène se sentait plus éperdue que si un gouffre se fût ouvert et qu’elle y glissât d’une chute désespérée. Quelque chose d’ironique et d’implacable avait résonné dans cette voix et flottait maintenant sur ce visage, dont elle devinait l’expression sans oser y porter les yeux.

Ce qui accrut son supplice, c’est qu’il lui fallut répondre à des réflexions d’une indifférence voulue que M. Fortier s’avisa d’émettre. Il fit quelques remarques sur les changements survenus dans un faubourg qu’ils traversaient, et sur l’animation qu’apporteraient bientôt les baigneurs de Royat.