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à force d’aimer

Elle y crut voir une telle affectation de mépris qu’elle faillit crier quelque parole de démence et de désespoir. Mais tout à coup elle comprit combien il souffrait lui-même, et que tout cela n’était qu’un jeu d’orgueil, à la façon brusque dont il se pencha, pâle et comme suffoqué par la question qui lui jaillit des lèvres :

— « Dites-moi… Le père est-il encore vivant ? »

Hélène laissa tomber sa tête dans une affirmation douloureuse.

Un cruel silence commença. Et, à tout instant, la pauvre femme s’imaginait entendre l’air vibrer au premier mot d’une autre demande qui, fatalement, allait suivre : « Qui est-ce ? »

L’attente de ces trois syllabes lui tendait les nerfs d’une façon intolérable. Si galant homme que fût Horace, elle sentait qu’il résistait vainement à une affreuse curiosité, qu’il irait jusqu’au bout de l’interrogatoire. Effectivement, comme elle se débattait contre l’hallucination de ces torturantes syllabes, elle les entendit se glisser, honteuses, à son oreille.

— « Oh ! je vous en prie !… » supplia-t-elle.

— « Ah ! » dit-il, « c’est vrai… Il vaut mieux que je ne le connaisse pas. »

Cette phrase ne fut prononcée ni avec résignation, ni avec colère. Toutefois, mieux eût valu l’éclat d’une violence ou la sourdine d’un déta-