Page:Lesueur - Nietzscheenne.djvu/21

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Éducation supérieure et légion, c’est là une contradiction primordiale.

Personne n’a plus la liberté, dans l’Allemagne actuelle, de donner à ses enfants une éducation noble. Nos écoles « supérieures » sont établies selon une médiocrité ambiguë, avec des professeurs, un programme, un aboutissement. Et partout règne une hâte indécente. Nos lycées débordants, nos professeurs de lycée surchargés et abêtis sont un scandale. Pour prendre cet état de choses sous sa protection, comme l’ont fait récemment les professeurs de Heidelberg, on a peut-être des motifs — mais des raisons, il n’y en a point.

Au moment où l’Allemagne s’élève comme grande puissance, la France gagne une importance nouvelle comme puissance de culture. Aujourd’hui déjà, beaucoup de sérieux nouveau, beaucoup de nouvelle passion de l’esprit a émigré à Paris. La question du pessimisme, par exemple, la question Wagner, presque toutes les questions psychologiques et artistiques sont examinées là-bas avec infiniment plus de finesse, et de profondeur qu’en Allemagne. Dans l’histoire de la culture européenne, la montée de « l’Empire » signifie avant toute chose un déplacement du centre de gravité.

Ce qu’il y a d’essentiel dans l’enseignement supérieur en Allemagne s’est perdu : le but tout aussi bien que le moyen qui mène au but. Que l’éducation, la culture même soient le but — et non « l’Empire » — que, pour ce but, il faille des éducateurs et non des professeurs de lycée et des savants d’université, c’est cela qu’on a oublié. Il faudrait des éducateurs, éduqués eux-mêmes, des esprits supérieurs et nobles, qui s’affirment à chaque moment, par la parole et par le silence, des êtres d’une culture mûre et savoureuse, et non des butors savants.