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Page:Lettre à Paul Gauguin, 3 octobre 1888.djvu/1

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Mon cher Gauguin,

ce matin j’ai reçu votre excellente lettre que j’ai derechef envoyé à mon frère; votre conception de l’impressionniste en général, dont votre portrait est un symbole, est saisissante. Je suis on ne peut plus intrigué de voir cela – mais il me semblera j’en suis sûr d’avance que cette œuvre soit trop importante pour que j’en veuille en échange.

Mais si vous voulez la garder pour nous, mon frère la vous prendra, ce que je lui ai immédiatement demandé, si vous voulez à la première occasion et espérons que cela sera sous bien peu.

Car nous chercherons encore une fois à presser la possibilité de votre venue.

Je dois vous dire que même pendant le travail je ne cesse à songer à cette entreprise de fonder un atelier ayant vous-même et moi pour habitants fixes mais dont nous désirerons tous les deux faire un abri et un asile pour les copains au moments où ils se trouveront acculés dans leur lutte. Lorsque vous étés parti de Paris mon frère et moi y avons encore passé ensemble un temps qui me demeurera toujours inoubliable. Les discussions avaient pris une envergure plus large – avec Guillaumin, avec Pissarro père et fils, avec Seurat que je ne connaissais pas (j’ai visité son atelier juste quelques heures avant mon départ). Dans ces discussions il s’est souvent agi de ce qui nous tient si fort au cœur à mon frère comme à moi, des mesures à prendre pour sauvegarder l’existence matérielle des peintres et de sauvegarder les moyens de production (couleurs, toiles) et de sauvegarder à eux directement leur part dans le prix