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larmes, quelquefois teintes de votre sang.

Vous avez une patrie, et sans doute le bonheur luira sur les lieux qui vous ont vu naître ; alors vous goûterez en paix les fruits des champs que vous aurez cultivés sans trouble ; alors sera comblé l’intervalle qui, plaçant à grande distance les uns des autres les enfans d’un même père, étouffoit la voix de la nature et brisoit les liens de la fraternité ; alors les chastes douceurs de l’union conjugale remplaceront les sales explosions de la débauche, qui insultoit à la majesté des mœurs.

Et par quel étrange renversement de raison étoit-il honteux à un blanc d’épouser une femme de couleur, tandis qu’il n’étoit pas déshonorant de vivre avec elle dans un libertinage grossier ? Plus l’homme est dénué de vertus, plus il cherche à s’entourer de distinctions frivoles ; et quelle absurdité, de vouloir fonder un mérite sur les nuances de la peau, sur les teintes plus ou moins rembrunies du visage ! L’homme qui pense rougit quelquefois d’être homme, quand il voit ses semblables aveuglés par un tel délire ; mais comme malheureusement l’orgueil est la pas-