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Page:Lettre d'Abgar, 1868.djvu/11

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tre qui était conçue en ces termes : « Abgar, fils d’Arscham[1], au grand médecin[2] Jésus, qui s’est montré dans le pays de la Judée à Jérusalem, salut. — Seigneur, j’ai entendu que tu ne guéris pas avec des remèdes, mais seulement par la parole ; que tu rends la vue aux aveugles, et que tu fais marcher les boiteux, tu purifies les lépreux et tu rends l’ouïe aux sourds, tu chasses les démons, tu ressuscites les morts, et tu guéris par la seule parole les valétudinaires et les infirmes. À peine m’eut-on raconté ces grands miracles que tu fais, je réfléchis et je crus que tu es Dieu, et fils de Dieu descendu du ciel, pour opérer ces actes de bienfaisance. C’est pourquoi je t’ai adressé cette lettre en te priant de venir chez moi, afin de t’adorer, et de me guérir de mes maux, selon la foi que j’ai en ta puissance. De plus, j’ai entendu dire que les Juifs murmurent contre toi, te persécutent et veulent te donner la mort ; daigne donc venir chez moi ; j’ai une belle petite ville[3] qui suffit à nous deux : nous y habiterons en paix ». Jésus en recevant cette lettre dans la maison du grand-prêtre des Hébreux, dit à Anan le confident du roi[4] : « Va dire à ton maî-

  1. C’est dommage que l’original syrien manque ici, et ne nous permette pas de résoudre définitivement la lecture de ce nom, qui bien que dans Eusèbe aussi s’appelle Artciam (selon la traduction armén.) devrait être plus probablement Ouchama selon le syrien : d’autant plus que dans nos textes mêmes on ne dit pas fils d’Arscham. Ce n’était pas l’usage des rois de signer leurs édits avec le nom de leurs pères. Cependant Rufin, premier traducteur latin d’Eusèbe, porte ce titre d’Uchaniæ filius. — Cette lettre se trouve dans Moïse de Khorène copiée presque mot à mot.
  2. C’est peut-être avec plus de justesse qu’on nomme ici Jésus Médecin plutôt que Sauveur comme disent Eusèbe et Moïse de Khorène, car Abgar avait besoin de santé.
  3. C’est Édesse la capitale même de son royaume, dont parle Moïse de Khorène (1. II, ch. 27).
  4. Ici encore l’avis de notre auteur qui rapporte ces paroles de Jésus-Christ comme dites oralement est préférable à celui d’auteurs plus modernes, tels que Eusèbe, Moïse de Khorène, et autres, selon lesquels Jésus-Christ aurait écrit ou fait écrire à l’apôtre S. Thomas une lettre à Abgar. C’est cette lettre qui a suscité tant de controverses parmi les théologiens, et que le pape Gélase a classifiée l’an 494, parmi les écritures apocryphes.